vendredi 14 janvier 2011

Stéphane Hessel reprend les vieilles ficelles des populistes et des démagogues

"D'autres, comme Stéphane Hessel, se complaisent dans la mise en accusation et finissent par se situer entre le "qu'ils s'en aillent tous" de Jean-Luc Mélenchon et le "tous pourris" de Jean-Marie Le Pen. Et l'enfer étant pavé de bonnes intentions, on se rend compte que l'évangile selon Hessel, credo des bobos, finit par ressembler aux diatribes de ceux contre lesquels il s'est toujours battu. On sait pourtant depuis Pascal que qui veut faire l'ange fait la bête..."

Lire également : Nous avons besoin de tout, sauf d'indignation !, Luc Ferry

Source: Le Monde (S'engager, pas s'indigner !, Franck Allisio, président des Jeunes Actifs de l'UMP)

Stéphane Hessel aura au moins réussi une chose : offrir une solution simple et confortable à tous les parents et grands-parents en panne d'idée de cadeau en cette fin d'année 2010. Cette injonction semble s'adresser aux "jeunes", ceux qui ont aujourd'hui l'âge qu'avait Stéphane Hessel durant la seconde guerre mondiale, ceux qui sont en première ligne pour relever les défis personnels et collectifs qui se présentent à eux. Puisque nous avons été interpellés, autant répondre et expliquer pourquoi nous considérons cet appel comme anachronique, inquiétant et en fin de compte décevant.

Cet appel est avant tout anachronique car Stéphane Hessel y jauge le monde d'aujourd'hui avec des lunettes qui datent de l'après-guerre. [...] On se croyait dans Le Monde d'hier, on se retrouve chez Hibernatus : après le bon vieux temps, le déluge... Un tel anachronisme pourrait faire sourire une génération qui a grandi dans le monde de l'après-guerre froide mais en regardant de plus près, il se révèle aussi inquiétant.

Cet appel est en effet inquiétant car il reprend les vieilles ficelles des populistes et des démagogues : désigner des coupables à la vindicte populaire, comparer l'incomparable, dresser un tableau apocalyptique de la situation mais sans faire le moindre début d'une proposition sérieuse pour changer les choses. Car, si certains hommes de gauche, tel Manuel Valls, découvrent les vertus du réalisme tant en matière
économique qu'en matière d'ordre public, d'autres, comme Stéphane Hessel, se complaisent dans la mise en accusation et finissent par se situer entre le "qu'ils s'en aillent tous" de Jean-Luc Mélenchon et le "tous pourris" de Jean-Marie Le Pen. Et l'enfer étant pavé de bonnes intentions, on se rend compte que l'évangile selon Hessel, credo des bobos, finit par ressembler aux diatribes de ceux contre lesquels il s'est toujours battu. On sait pourtant depuis Pascal que qui veut faire l'ange fait la bête...

Cet appel est enfin décevant car ce que n'a pas saisi Stéphane Hessel, c'est que pour toute une génération, c'est justement cette façon de faire de la politique qui a désenchanté puis dégoûté de l'engagement. S'engager, c'est d'abord et avant tout prendre à bras-le-corps la réalité telle qu'elle est et non telle qu'on voudrait qu'elle soit. Aujourd'hui comme hier, l'engagement n'est possible que dans un espace politique à l'écoute du monde et de la société d'aujourd'hui et non prisonnier de ses dogmes et utopies. On s'attendait à un appel à l'action, on n'a en fin de compte qu'un appel à la réaction. Paradoxalement, cet "indignez-vous" raisonne comme un "résignez-vous" tant Stéphane Hessel semble nous dire que son royaume n'est pas de ce monde. C'est un Candide qui n'aurait tiré aucune leçon à la fin de son périple.

A cet "indignez-vous", nous aurions préféré un "engagez-vous" : engagez-vous dans la vie publique comme vous vous engagez dans vos vies personnelles et professionnelles, c'est-à-dire en traçant sa propre route mais en restant en prise avec la réalité d'un monde qui évolue sans cesse. Et avec au coeur, non pas l'indignation mais du courage et de l'imagination.

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