mercredi 29 août 2012

Polémiques sur la commémoration des rafles des Juifs à Bruxelles il y a 70 ans

Occasionnellement une cérémonie est organisée en souvenir des six millions de Juifs européens - dont un million et demi d'enfants - qui ont été exterminés par les nazis et leurs nombreux complices dans les pays occupés par l'Allemagne.  Peu de monde assiste à ces rares commémorations auxquelles quelques notables acceptent d'être présents.  A l'occasion du 70e anniversaire des rafles des Juifs anversois, une cérémonie fut organisée le 20 août par le Forum de Joodse organisaties Anvers à laquelle a assisté le maire socialiste flamand Patrick Janssens [photo ci-contre].  Nous tenons à saluer le travail remarquable de Mme Kouky Frohmann au sein de l'organisation. Note du 30/08: Mme Frohman nous fait savoir que c'est le maire qui a organisé la commémoration.  Par ailleurs, il a annoncé l'édification d'un monument à la mémoire des Juifs assassinés par les nazis durant la Shoah.  Plus de 10.000 Juifs ont été déportés d'Anvers et la police a été impliquée dans la détention de plus de 3.000 d'entre eux. La quasi totalité des déportés ont péri à Auschwitz-Birkenau.

Du côté belge francophone, la cérémonie en souvenir de la rafle des Juifs de Bruxelles a donné lieu à des disputes navrantes et l'attitude du maire reflète un certain état d'esprit à l'opposé de celui de son homologue anversois. Isaac Franco en fait le récit dans le blog de Joël Rubinfeld:

Parlons clairement: sans la lettre ouverte au bourgmestre rédigée par l'Association pour la Mémoire de la Shoah (AMS) qui disait de la première mouture de l'invitation à la cérémonie du 2 septembre qu'elle dégageait un fumet révisionniste, il est très improbable que le texte initial aurait été rectifié. [Complicité de l'administration bruxelloise dans la déportation des Juifs; la tentation révisionniste du bourgmestre Thielemans]

Compte tenu d'une vérité historique aussi peu contestable que celle de la complicité active des autorités de la Ville de Bruxelles avec l'occupant allemand dans la déportation des Juifs de Bruxelles pendant la Seconde Guerre mondiale, il y aurait encore à redire (*) sur la formulation finalement retenue, même si l’essentiel y est dit, enfin.

On déplorera néanmoins l'absence sur les cartons d'invitation du nom de l'association - l'AMS - qui aura été le «moteur» de cette indéniable avancée historique, et on regrettera aussi que les autorités communales auront dans un premier temps osé penser tirer les leçons du passé dans les termes employés dans la première version de cette invitation. Mais surtout, il restera longtemps de l'amertume à l’idée qu'il aura été si long et si difficile de les amener à enfin s'interroger sur leur évidente inconsistance.

A cet égard, la mise au point obséquieuse d'un CCOJB longtemps somnolent dans cette affaire («une concertation avec les services compétents a suffit (sic) à rectifier ce qui devait l'être», extrait du communiqué du 23 août (**)) ne dit rien - au contraire de l'ADI - de l'agressivité du porte-parole du bourgmestre quand il était interrogé ces jours derniers sur le pourquoi des incompréhensibles difficultés rencontrées pour infléchir les autorités communales. [La Libre Belgique rapportait le  13/08: "Nicolas Dassonville, le porte-parole de Freddy Thielemans, a confirmé que la Ville ne modifierait pas l’invitation. Il trouve plutôt "déplacée" l’accusation de révisionnisme formulée par l’AMS." Deux jours après, quand la presse américaine a rapporté cette affaire, le ton change immédiatement.  JTA 15/08: "The office of Mayor Freddy Thielemans last week sent out an invitation to a "ceremony of official recognition of the participation of local authorities appointed by the occupying power during World War II, in the deportation of citizens of Brussels". Nicolas Dassonville, Thielemans' spokesman, told JTA that the text would be changed to "name the deportees as Jewish." Visiblement à contre-coeur...]


On n'oubliera pas non plus la navrante adhésion du CCOJB au premier texte de l'invitation et la lenteur de sa prise de conscience du problème qu'il posait. Un «retard à l'allumage» sans doute motivé par les déclarations de son président qui, jusqu'à la mobilisation de l’AMS et de sa lettre ouverte «musclée» au bourgmestre, confessait «que l'absence du mot juif ne [l']avait pas frappé» dans la version initiale de l'invitation.


Sûr qu'à cette aune, la «tentation révisionniste» décelée par d'aucuns dans cette première version ressortit pour le CCOJB au registre de l'outrance et des «allégations diffamatoires»…

En conclusion, si la version définitive aura accouché de l'essentiel, on retiendra de ces pudeurs qu’elles témoignent de la difficulté des autorités publiques de ce pays (ici, de la Ville de Bruxelles) à reconnaître pleinement les responsabilités de leurs devancières dans les crimes d'hier, même quand elles se le commandent enfin.

Le rapport du CEGES qui dormira hélas longtemps encore au fond d'un tiroir en témoigne par ailleurs, et indique que rien ne sera jamais concédé sans efforts aux Juifs de ce pays.

Moins encore quand l'homme qui, le 2 septembre, reconnaîtra enfin «l'implication des autorités de la Ville de Bruxelles (…) dans la déportation de Juifs» est celui-là même qui accorde à la haine de l'Etat juif une licence illimitée de s'exprimer sur les pavés de sa bonne ville…

Sûr aussi que pour mettre un terme aux sit-in du vendredi sur les marches de la Bourse et pour en finir avec les pantalonnades haineuses de la rue Neuve, il faudra à ce CCOJB anesthésié autre chose qu'une simple «concertation avec les services compétents [de la Ville de Bruxelles pour] rectifier ce qui [devra] l'être».

(*) Il aurait en effet été souhaitable de lire que les co-organisateurs «vous convient à la cérémonie de reconnaissance officielle, par le Bourgmestre, de la complicité des autorités de la Ville de Bruxelles avec l’occupant dans la déportation des Juifs pendant la Seconde Guerre mondiale» plutôt qu’ils «vous convient à la cérémonie de reconnaissance officielle, par le Bourgmestre, de l’implication des autorités en place pendant la Seconde Guerre mondiale, dans la déportation de Juifs».
La formule «en place pendant la Seconde Guerre mondiale» juste derrière «des autorités de la Ville de Bruxelles» peut en effet suggérer que la mise en place de ces autorités résultait, au moins partiellement, de la volonté des occupants. Quant au mot «implication», il laisse entendre une responsabilité marginale ou un comportement implicite des autorités communales alors que «complicité avec l’occupant» témoigne plus justement du rôle joué dans la tragédie par les autorités de la Ville de Bruxelles.

(**) Cérémonie du 2 septembre 2012 - Bruxelles - Mise au point du CCOJB
Le 2 septembre prochain le Bourgmestre de la Ville de Bruxelles reconnaîtra, au cours d'une cérémonie officielle, l'implication des autorités de la Ville en place durant la Seconde Guerre mondiale , dans la déportation de Juifs de Bruxelles.
Dans le contexte de la préparation de cet événement, et à propos des faits tragiques en question, des allégations diffamatoires ont été proférées publiquement, accusant le Bourgmestre Monsieur Freddy Thielemans de «tentation révisionniste» et de «mensonge historique».
Le CCOJB regrette une telle attitude outrancière, inutile au surplus, puisqu'une concertation avec les services compétents a suffit à rectifier ce qui devait l'être. Il réitère ses remerciements à Monsieur le Bourgmestre Freddy Thielemans et à ses services pour la tenue et l'organisation de la cérémonie du 2 septembre.
Au cours de celle-ci, le Bourgmestre de la Ville de Bruxelles, le Président du Comité de Coordination des Organisations juives de Belgique et un représentant de l'association "L'Enfant Caché" prendront successivement la parole. En introduction de la cérémonie, "Les Territoires de la Mémoire" présenteront un vidéogramme relatant les faits.
Maurice Sosnowski
Président du CCOJB

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